Où étiez vous ? que faisiez vous ? durant l’été 1944

2014, France

M. Désiré Jeanne, Tourlaville, rue du Port des Flamand, Juillet 2013
Âgé de 9 ans en 1944, Désiré Jeanne passera d’abord quelques temps à Saint-Martin-le-Gréard, chez une cousine devant l’avancée des combats son père préférera le reprendre à ses côtés à Tourlaville. C’est ainsi qu’il passera près d’un mois abrité dans la cave de la maison familiale située non loin du port des Flamands où son père travaille à l’arsenal. A l’arrivée des troupes américaines, devant la maison, son père le porte dans ses bras pour embrasser l’un des libérateurs.
- D’après le témoignage de M. Désiré Jeanne, août 2013.
M. Jean Marion, Cherbourg, rue Jules Ferry, Vallée de Quincampoix, août 2013
Jean Marion est fils de cheminot, membre d’une fratrie de 11 enfants, en cet été 1944, la famille vit non loin des voies de chemins de fer qu’emprunte le père pour se rendre au travail chaque jour à la gare de Cherbourg. C’est à la mi-journée que les premiers soldats américains passent aux abords de la maison.
- D’après le témoignage de M. Jean Marion, août 2013.
M. Eugène Jeanne, La Commune, Magneville, juillet 2013
De la cour de la maison qu’il habite avec ses parents Eugène voit arriver un soldat, il appelle son père puis revient vers la barrière. Aussitôt le militaire le met en joue, puis se reprend rapidement, comprenant l’absence de danger. Ce dernier offre alors quelques chewing-gum puis reprend son chemin. Quelques instants après un coup de feu retenti. A quelques centaines de mètres de là le GI est abattu par un tireur Allemand embusqué dans un arbre.
- D’après le témoignage de M. Eugène Jeanne, juillet 2013.
M. Roger Birette - Chef du Pont, août 2013
Dans la cave de leur maison ils sont 27, dans ce qui est la seule cave du voisinage pouvant offrir un abri sécurisant. Au milieu de la nuit les vagues d’avions emplissent le ciel dans un bruit assourdissant. Vers 2h30 du matin, plus un bruit, seul le son des crickets se fait entendre. Dans la matinée, vers 10 h, sa mère va aux nouvelles, elle découvre que dans le grenier d’une dépendance des matelas ont été déplacés, des effets militaires trainent. Des allemands paniqués lui demandent alors de passer devant eux pour aller dans le jardin. Plus tard, vers midi, a lieu la première rencontre avec les parachutistes américains, ceux là même qui ont passé la nuit dans le grenier. Il s’agit de John, Richard, Montgomery et Dick certains appartiennent à la 82e d’autres à la 101e Airborne. Au cours des jours suivant, la maison sera reprise et libérée 3 fois.
- D’après le témoignage de M. M. Roger Birette, août 2013.
M. Louis Fretay, Folleville, Saint-Ouen-la-Rouërie, aout 2013
La cours de la ferme des parents de Louis Fretay offre une vue plongeante sur la vallée et sur la voie de chemin de fer. C’est de là qu’il assiste aux bombardements de la voie de chemin de fer, qui participent du plan de harcèlement systématique des moyens de transports auquel se livrent les aviations anglaises et américaines en vue de paralyser l’action militaire allemande.
- D’après le témoignage de Louis Fretay.
M. Jean Touffet, route de Nouas, juillet 2013.
« C’est par cette route que nous vîmes arriver les premiers américains (une colonne de char) le 2 août 1944. Nous leur offrîmes cidre et calva. Mon père les accompagna au bois des Portes ou l’on avait signalé des Allemands, mais ceux-ci étaient déjà partis. »
- Témoignage de Mr Jean Touffet, avril 2014.
M. Francis Le Bigot, Carrefour de la Croix-Boisselée, Saint-Ouen-la-Rouërie, juillet 2013.
“Une voiture Wolkswagen décapotable, occupée par 4 officiers casqués de camouflage, pistolet au poing, sur le rebord de la voiture, se sont enfuis vers le bourg et ont pris la direction du village de Guiborel … Mon grand-père réfugié à la ferme de la Guinetais pendant les combats était âgé de 81 ans, nous sommes allés mon père et moi le chercher dans le début de l’après-midi. Nous le ramenions dans une petite remorque… et tout à coup, entendant des balles siffler, nous avons stoppé en plein milieu du Carrefour de la Croix-Boisselée. La voiture est passée à environ 30 mètres et ils n’ont pas tiré. Nous avons eu beaucoup de chance. Au village du Guiborel, une dame, croyant voir des Américains a reçu une balle dans le bras, car elle les acclamait.”
- Francis Le Bigot, La libération de Saint-Ouen-la-Rouërie, Antrain, Travouil n° 47, février 2005, p. 37
M. Joseph Busnel et Mme. Thérèse Gauthier, petit fils et petite fille de M. Pierre Hayere, rue du Châtelet, Bazouges la Pérouse, Aout 2013.
Joseph Busnel et Thérèse Gauthier, petit fils et petite fille de M. Pierre Hayere, rue du Châtelet, Bazouges la Pérouse, Aout 2013. “Soudain nous entendîmes une fusillade ininterrompue qui venait de la Forêt de Villecartier… Les tirs continus se déplaçaient en direction de la ville sur notre droite, puis vinrent vers nous. Mon grand-père se tenait dans l’encadrement de la porte et agitait son chapeau. Il les connaissait pourtant bien les allemands, lui qui, en plus de l’occupation, avait été blessé deux fois à la guerre de 1914/18. Ma grand-mère était derrière le petit battant qui était fermé. Moi j’étais à quatre pattes sous la table du coin et je regardais près des pieds de grand-père. C’était le convoi des allemands qui quittaient la région et craignaient de tomber dans une embuscade. Ils étaient dos à dos dans tous les véhicules. Mon grand-père ne compris pas, je vis ses pieds basculer, il avait pris une balle en plein cœur, ressortie par la colonne vertébrale elle vint se logée dans le vaisselier.”
- Joseph Busnel, manuscrit inédit, Aout 2013.
M. Jean Tumoine, route D175, entre le carrefour Le Pôteau et le hameau de Rinan, juillet 2013.
« A chaque fois que je passe sur cette route avec mes enfants ou d’autres personnes, même encore maintenant, je ne peux m’empêcher de rappeler que c’est ici que je venais regarder passer les colonnes de véhicules américains durant l’été 1944. J’avais 13 ans à l’époque. Avec Pierre, un voisin qui est malheureusement décédé depuis longtemps, nous venions tous les jours de Bazouges, on prenait le vélo et on allait voir les américains. C’était la grande occupation, il y avait des dizaines de jeunes de Bazouges qui venait comme nous sur cette route. Très peu d’américains sont passés à Bazouges, l’axe c’était St-Ouen - Rennes. C’était quand même extraordinaire, un défilé sans arrêt de chars, c’était fou. Et puis on revenait avec plein de trucs, des chewing-gum, des paquets de cigarettes. C’est là qu’on a commencé à fumer d’ailleurs, les Camel et les Chesterfield.»
- Témoignage de Jean Tumoine, avril 2014.
M. Marcel Petaud, Le Houx, juillet 2013.
« Quand nous avons entendu les premiers véhicules nous sommes venus voir ce qui se passait. Ensuite nous amenions une petite bouteille que nous remplissions de goutte que nous subtilisions dans le tonneau. Nous offrions cette boisson aux soldats de passage qui ne manquait pas de nous offrir en retour quelques sucreries ou des denrées bien utiles à la maison. Dans la côte du Houx les véhicules roulaient au pas en allant vers Antrain. »
- Témoignage de Marcel Petaud, avril 2014.
Mme. Denise Drid, Le bas Houx, juillet 2013.
« Les premiers américains que nous avons vu dans la famille c’est maman qui les a croisé le matin, vers 6 h, en allant chercher ses vaches. Ils lui ont lancé un morceau de savon. Alors elle est rentrée en disant : Denise lève toi, vas vite, les américains sont là ! J’y suis allé avec un panier. Deux ou trois jours avant il y avait une trentaine d’allemands dans un chemin au Houx. Deux sont descendus au Bas Houx, un résistant qui était dans les parages leur a tiré dessus, blessant l’un. Ces deux allemand sont alors remontés au Houx pour retrouver leurs camarades. Heureusement, le reste de la troupe était déjà parti, sinon il y a de forte chance que le Bas Houx ait subis la vengeance de ces allemands. Ce jour là nous étions chez un voisin, le père Landais, pour faire le blé. Le soir nous soupions chez lui. Les deux allemands étaient réfugiés là. L’un d’eux était allongé l’autre attendait. Le résistant qui avait tiré les coups de feu est venu. Il était déguisé en médecin. Il est arrivé avec un chapeau, il avait une serviette. Il a soigné les blessures, a nettoyé les plaies et fait les pansements, l’autre l’a reconnu mais n’a rien dit. Plus tard quand les américains sont arrivés, ils ont pris le blessé pour l’emmener à Antrain à l’hôpital, l’autre ils l’ont fait prisonnier. »
- Témoignage de Denise Drid, avril 2013.
Mme. Andrée Fretay, La Corderie, Tremblay, juillet 2013.
« J’avais 8 ans cette année là, j’habitais la Hougrais. De chez nous on entendait les camions américains qui passaient au Frêne. Avec mes frères nous avions alors le temps de monter à la Corderie pour les voir passer et les applaudir. Ils nous lançaient des chocolats, des chewing-gums, du pain d’épices. Le 1er aout nous avons été sur la route dès que les premiers convois sont passés. »
- Témoignage de Andrée Fretay, avril 2014.
M. François Leblanc, D175 au niveau du lieu-dit La Juquelière, septembre 2013.
“Dans le village de Chasnez, tous les habitants, après avoir arrêté leur travail, se sont massés le long de la route, pour acclamer nos libérateurs, et moi, d’emblée, je fus chercher mon accordéon et en jouait immédiatement. Les jours qui ont suivi, je m’installais au bout de la route du village “des Fossés” et je faisais une aubade “accordéonique” au passage des militaires qui me jetaient des cigarettes, des chewing-gums, des boites de ration, que les plus jeunes ramassaient pour moi et pour eux-aussi.”
- Témoignage de François Leblanc, juin 2014.
M. Maurice Clolus, rue du Châtelet, Bazouges la Pérouse, août 2013.
« Le lendemain matin, c’était vraiment la Libération. A l’avant du convoi, une Jeep avec un soldat allemand assis sur le capot, les mains attachées derrière le dos et le casque sur les genoux. On chante, on danse, on offre des fleurs tout heureux de pouvoir enfin crier : vive les Américains »
- Maurice Clolus, témoignage cité dans, Jean-Maurice Potier, Une nuit d’incertitude dans l’attente des Américains – Libération de Bazouges : souvenirs d’un gamin, Ouest France, 3 août 1994.
M. Marcel Fleury, Les Hauts Rochers, Bazouges-la-Pérouse, juillet 2013.
« Je n’ai pas vraiment de souvenir marquant de ma rencontre avec les troupes américaines. Le souvenir inoubliable que je garde de la libération c’est le feu de joie que nous avons allumé dans la cour de la fermette au départ des Allemands, certainement le 1er aout. Nous y avions fait exploser quelques fusées trouvées dans le dépôt allemand de la forêt de Villecartier… »
- Témoignage de Marcel Fleury, avril 2013.
M. Isidore Coquelin, place de l’église, juillet 2013.
« Des derniers temps de la guerre je garde le souvenir de cette journée ou nous fanions dans un champ à quelques pas de la ferme et de ces coups de feu qui retentirent soudain. Nous apprenions ensuite le drame qui s’était déroulé à quelques mètres de là dans la carrière de la Bittonière. Ces événements me bouleversent encore. Pour ce qui est du passage des troupes américaines mon père nous interdisait d’aller à la route, je n’ai donc pas vraiment de souvenir à ce sujet. Le souvenir marquant pour moi de la fin de la guerre c’est le 1er bal qui fut organisé sur la place de Marcillé et au cours duquel avec mon frère nous avons repris nos instruments pour animer la fête et mener le bal. »
- Témoignage de Isidore Coquelin, juillet 2013.
Mme. Angèle Fauvel, Saint Grégoire, Maison Blanche, juillet 2013.
« C’est dans cet immeuble que j’allais pour me réfugier, chez ma sœur. La maison de mes parents avait été sinistrée le 8 mars 1943 - le bombardement de l’Économique -. Fort heureusement personne n’était là au moment. Maman est partie se réfugier à Pont-Réan. Moi ça me faisait moins loin d’aller à Betton chez ma sœur, neuf kilomètres, que d’aller à Pont-Réan, quinze kilomètres. Alors, comme je travaillais, j’étais modiste, au coin du boulevard de la Liberté et de la rue Tronjoly, je dormais chez ma sœur. Mon beau-frère travaillait à Rennes aussi, on partait tous les deux à bicyclette le matin, le soir on revenait. Ma sœur était sur le point d’accoucher : sa fille, ma nièce, est née au-dessus de ce café. Ils habitaient auparavant rue de la Serpette, près de la plaine de Baud. Évidemment, ils viennent se réfugier à Maison Blanche et c’est là qu’a eu lieu la bagarre… Enfin tout s’est bien passé, puisqu’elle est née là… Les Américains je les ai vus là. Quand on partait, ils étaient là, puisqu’ils on stationné là un moment, ils rentraient, ils revenaient. Ce qui m’a le plus frappé c’était cette voiture toute mitraillée. C’était celle d’une personnalité. Pendant la bataille je suis retournée à mon travail et mon beau-frère aussi, nous ne nous sommes pas arrêtés, on faisait la navette. »
- Témoignage de Angèle Fauvel, juillet 2013.
M. Jean Chasle, Maison-Blanche, août 2013
« Le 1er Août, au début de l’après midi, mon père me demande d’aller travailler dans une prairie située, en bordure de la route d’Antrain, au delà du passage à niveau de Maison-Blanche […]. Peu de temps après mon arrivée, j’entends de loin le bruit caractéristique produit par des chars roulant sur une route, venant de la direction de Betton. […] je vois d’abord apparaître une voiture d’aspect inconnu (j’apprendrai qu’il s’agit d’une Jeep) suivie de chars. Bizarrement ils portent sur l’avant et sur les côtés une grande étoile de couleur blanche […]. Stupeur… très vite, je réalise… Ce n’est pas possible. Ce sont les Américains !!! Inimaginable !!! Ils ont donc en quelques heures parcouru depuis Avranches, 60 ou 70 km »
- Jean Chasle, La bataille de Maison-Blanche, souvenirs du 1er août 1944, manuscrit inédit.
Mme. Fernande Harel, rue de Viarmes, juillet 2013.
« À la libération j’avais 17 ans… Je conserve précieusement une petite photo sur laquelle je me tiens en compagnie d’une amie devant cet immeuble de la rue de Viarmes. Sur cette photo on me voit avec des drapeaux, aux couleurs des libérateurs. Ils avaient dû être mis par des résistants qui étaient dans le coin. Cette rue était constituée de vieilles maisons, de torchis, mais qui ont résisté quand même. En cas de bombardements, nous allions dans l’immeuble à côté. Non loin, il y avait la kommandantur allemande. À l’arrivée des Américains tout a été déménagé, y’en a qui on vidé tout cela. Je n’ai pas été réfugiée ; pendant tous les événements, j’étais là. Quand le pont Pasteur a sauté, j’étais là. Ça ne m’a pas tellement frappée. J’étais heureuse de me dire : Ouf ! Enfin on va respirer un petit peu ; car on ne se couchait jamais le soir sans se dire, est-ce que nous serons réveillés cette nuit. C’était fini, j’étais contente. J’ai pu reprendre une vie presque normale. »
- Témoignage de Fernande Harel, juillet 2013.
Mme. Alice Badouard, 18 rue de Brest, juillet 2013.
« À la libération j’avais 13 ans. Mes parents étaient réfugiés dans une ferme à quatre, cinq kilomètres de là où je me trouvais, chez ma grand mère, à Caulnes. Il se trouve que la ferme où habitaient mes parents a été éventrée. On avait emmené des voisins avec nous, la voisine a été tuée. En revenant d’un bombardement à Rennes un avion Américain lâchait ses bombes sur la campagne, et il n’avait pas vu cette ferme isolée. Par malchance c’est tombé sur cette dame, jeune de 39 ans, qui a été tuée et son fils blessé, mon père aussi a été blessé ainsi que ma sœur. Quand nous avons su que notre immeuble avait été éventré, lors des explosions des ponts, mes parents sont revenus à Rennes. Ma mère a retrouvé une dame, comme par miracle, qui avait un appartement libre 18 rue de Brest. La rue de Brest c’était infâme, la vieille rue de Brest… Pas le début de la rue, là ça allait encore, mais plus on entrait dans la rue, plus c’était vraiment des taudis. Nous on avait un bel appartement quand même, au premier étage. Il se trouve que maintenant le 18 rue de Brest ce sont Les Horizons. Après la guerre mes parents ont fait construire près du parc de Maurepas. »
- Témoignage de Alice Badouard, juillet 2013.
Mme. Jacqueline Mahé, route de Sainte Foix - restaurant le Piano, juillet 2014.
« J’avais juste dix ans, nous habitions rue Guillotin de Corson. Mon père était musicien, il avait un orchestre et il faisait bal à Sainte Foix. Les soldats qui venaient au bal là devaient être cantonnés du côté d’Apigné. Il devait y avoir un tas de camps par là. Ils venaient danser le dimanche au café de Sainte-Foix, Le Piano Blanc maintenant. Il y avait un accordéoniste, mon père était à la batterie et un saxophoniste, ils étaient trois. Ils faisaient bal toute la journée. Le saxophoniste était célibataire mais ma mère et la femme de l’accordéoniste faisaient payer les entrées. Les Américains venaient pour danser. Moi, qui avais dix ans, j’ai appris à danser là bas. On me faisait danser… comme on fait danser une petite fille, c’était bien honnête ! C’était marrant. Les soldats venaient car il y avait un tas de filles. Le bal devait s’arrêter vers sept heures et demi, ou huit heures. Les soldats disaient aux musiciens. " Bal ce soir ! bal ce soir ! ". Mon père disait " Oh non ! nous on a fait notre journée ". Ils sortaient des billets de leurs poches, tout chiffonnés, et ils mettaient ça en paquet sur l’estrade, et ils disaient " Bal ce soir ! ". Alors mes parents ils remettaient ça, jusqu’à je ne sais plus quelle heure. »
- Témoignage de Jacqueline Mahé, juillet 2014.
M. Jean-Gérard Carré, rue de la Mabilais, juillet 2014.
« Nous habitions rue de la Mabilais, face à la tour des télécom, en face de la rue Jean Guy. Cette maison existe encore, mon père l’avait construite au début des années 1930… Au mois d’août quand les alliés sont arrivés, ils sont restés quelque temps bloqués à Maison-Blanche. À un moment, j’étais dans le jardin, j’ai entendu plusieurs obus passer au-dessus de ma tête. Cela fait un bruit assez curieux, cela produit un sifflement accompagné de claquements sourds et très rapides. J’entendais ce son quelques instants après le coup de canon, puis nous entendions l’explosion sur Saint-Jacques. Quand les allemands ont dû quitter Rennes, puisque les alliés avançaient, ils ont miné tous les ponts ; le pont Bagoul, le pont de la Mission, ce que l’on appelait le pont de l’abattoir… J’ai vu sur ce pont des mètres cubes de mines antichars ; ces grosses galettes bourrées d’explosifs. Elles étaient sur des espèces de palettes. Les Allemands avaient posé ça sur le dessus du pont, sur les trottoirs, prêt à sauter. Puis tous les ponts ont sauté, au moment du départ des Allemands. Cela aussi ça fait drôle, on a entendu une grosse déflagration qui ne correspondait pas une alerte, ça ne prévenait pas… »
-Témoignage de Jean-Gérard Carré, Juillet 2014.
M. Jean François, Noyal-Chatillon-sur-Seiche, rue de Rennes, lieu-dit La Croix, juillet 2014.
« J’avais quinze ans, avec ma mère nous sommes partis à La Lande Jambu. Nous y sommes restés du 9 juin jusqu’au 5 août au matin… À partir du moment où les Américains sont arrivés à St Laurent, par toutes les routes qui s’en allaient vers le sud, l’armée allemande fichait le camp. Cela a duré le lundi, le mardi et le mercredi, le jeudi on n’a plus vu personne. Le quatre nous avons eu des nouvelles de la libération de Rennes. Le lendemain matin ma mère nous a dit : " À Rennes c’est la fête et ici il ne se passe rien, on rentre à Rennes !". À cinq heures le matin on part vers Rennes. Il ne faisait pas jour, pas un bruit, seuls les oiseaux qui se réveillaient. Quand nous sommes arrivés à 150 mètres de Châtillon, on a vu trois gars qui étaient sur le bas-côté de la chaussée. Ma mère m’a dit " C’est qui ces gars là ? ". Je lui ai répondu : " J’en sais rien ". Ils avaient des casquettes de repos en laine, ils étaient à mi-corps dans le fossé. Ils avaient leur quart, avec du café dedans sûrement. Quand nous sommes passés devant eux, on a rien dit. C’était un poste avancé, après nous sommes tombés sur un poste de fusil mitrailleur, 100 m plus loin. Nous sommes rentrés dans Chatillon par le pont sur la Seiche. Là, on a commencé à voir des Américains. Ils nous disaient rien, donc nous non plus. Avec ce que l’on pouvait voir, on se disait : mon vieux les Américains il vont avoir du mal. Mais c’était seulement un détachement avancé. Après quand on a pris la route de Rennes, il y avait des canons en position, des chars dans tous les champs. On s’est dit, ça va, il y a du matériel… »
Mme. Maryvonne Legaret, Amanlis, rue des Dames – juillet 2014.
« J’habitais route de Chateaugiron, mon père était responsable de la partie mécanique chez Ford, boulevard de la Tour d’Auvergne. Suite aux bombardements nous sommes partis à Chateaugiron. Nous habitions avec le directeur régional de Renault, rue Marbeuf. Je couchais dans la même chambre que leur fille. Mon père avait une cousine qui habitait à Amanlis. Un jour nous sommes allés à Amanlis car cette cousine parvenait à avoir du tissu, une pièce de tissu était arrivée pour mon amie. Mon père et Mme Simon nous ont dit d’y aller en vélo. Nous sommes parties très tôt car il faisait très chaud. Nous sommes arrivées à Amanlis, on a mangé, on nous a donné à boire. À ce moment il y a une petite dame qui est arrivée. Je la revois encore, habillée en noir, assez âgée, avec un petit tablier mauve. Elle nous dit : les Américains sont là. "Qu’est ce que tu racontes ne dis pas de bêtises". "Je te dis que si, tiens ! regarde ! la preuve". Elle ouvre son petit tablier. Oh ! Il y en avait plein la petite table : des chewing-gums, du corned-beef, des petites boîtes de fromage et tout cela, il y en avait plein. Il y avait toutes sortes de choses. Nous on était embêtées. On nous dit, c’est peut être dangereux, pour les petites, pour repartir. On voyait le tank en bas de la rue. On voyait des gens avec des drapeaux français autour. Nous ne sommes pas allés voir les Américains, on avait peur. On a filé nous sommes passés par une ancienne voie Romaine pavée, car il y avait de l’ombre… »
-Témoignage de Maryvonne Legaret, juillet 2014.

C’est par le biais de cet appel à témoins que fut réalisé cette galerie de portraits de témoins et acteurs de cette page de l’histoire. Ce travail les ramène, le temps d’une prise de vue, sur les lieux même où ils rencontrèrent les troupes américaines pour la première fois, ou sur un autre lieu pour eux symbolique de la libération.